​Étienne Aussel  Réalisateur & Vidéaste

D'entrée, le spectateur est surpris. Il est invité à se promener sur la piste et à choisir sa place dans l'un des quatre espaces formés par des panneaux de couleur primaire. Des miroirs inclinables lui révèlent tout ou partie de ce qu'il voit et de ce que dissimulent les parois: les jongleries de Chris Christiansen, les voltiges équestres de Steve Le Tourneur, les piaffements et les pas espagnols du cheval Black Moon, ses pitreries, son numéro avec une Joséphine Baker plus africaine que jamais (Béatrice Ella Meke). Au c?ur de la piste, une colonne rayée dévoile par transparence une acrobate aux tissus (Armance Brown), puis s'élève pour faire apparaître Fabien Demuynck et sa drôle de chaise automate... Créé au Printemps des comédiens de Montpellier, Buren Cirque est une proposition à la fois fascinante et énigmatique, qui rompt l'attraction verticale naturelle du chapiteau par de nombreuses lignes horizontales. Fantaisie presque improvisée, elle démultiplie la vision traditionnelle et permet au public, pris dans le jeu du visible et de l'invisible, de composer son propre spectacle, devenant du coup acteur de la représentation. 

Partisan de la tradition, Dan Demuynck, qui a toujours refusé l'étiquette de «nouveau cirque», n'a pourtant jamais cessé d'inventer un autre usage de la piste en croisant les arts du cirque avec la musique, le théâtre puis les arts plastiques. Déjà dans Et qui libre (1998), Daniel Buren lui «composait» une entrée. Cette fois, l'artiste conçoit une ?uvre à la dimension du chapiteau. Pas un décor, mais un travail in situ qui offre à la mise en piste une liberté d'allure et aux numéros une autre envergure. L'?uvre se transforme tout au long du spectacle puis disparaît. Sur le plateau nu ne reste alors que la force et la beauté du numéro aérien de Benoît Taguet. Dans ce cirque de surprises, tout est bouleversé et bouleversant: le rituel du cirque, les numéros, le regard, l'émotion. 

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Thierry Voisin